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« Souviens-toi du futur ! » : Marin Karmitz raconté sur grand écran à travers sa collection de photos

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
En 1982, sortait Mourir à trente ans, très belle autobiographie filmée de Romain Goupil, produite par Marin Karmitz, évoquant notamment sa participation à Mai 68 dans les comités d’action lycéens, ses amitiés, la révolution trahie, le deuil du mouvement. Les deux hommes, partageant l’engagement révolutionnaire de leur jeunesse et devenus amis avec le temps, se retrouvent aujourd’hui pour un tout autre projet, qui tourne autour de la remarquable exposition photographique codirigée par Marin Karmitz et la conservatrice Julie Jones qui s’est tenue au Centre Pompidou, à Paris, sous l’intitulé « Corps à corps. Histoire(s) de la photographie », jusqu’au 25 mars. Enjeu de cette programmation : les épousailles de la magnifique collection privée réunie par Karmitz et du fonds imposant du musée qui l’accueille.
Quant au film, tourné au portable, dans le plus simple appareil si l’on peut dire, il consiste, davantage qu’à interroger le dialogue entre les fonds (question cependant esquissée avec Julia Jones), à écouter Marin Karmitz parler de ses choix, expliquer ce qui l’attache à quelques-uns des tirages accrochés en ces lieux. Comme il le fait très bien, sans verbiage, avec humanité, d’un point de vue très intime, mais sans pour autant renoncer à la réflexion sur cet art, le film s’en trouve d’autant mieux.
Qu’est-ce qui a porté Karmitz vers le Suisse Gotthard Schuh, le Polonais Stanislaw Ignacy Witkiewicz, le Néerlandais Johan van der Keuken, le Tchèque Josef Koudelka, les Américains Eugene Smith, Lewis Hine et Roman Vishniac, la Polonaise Julia Pirotte, le Suédois Anders Petersen, le Français Christian Boltanski ? La réponse est ici à double détente. Dans les photographies elles-mêmes, toutes criantes de vie, centrées sur l’individu, magnifiant, dans la saisie de telle ou telle expression, et sentiment, le visage des sujets. C’est l’homme au sens générique, qu’à l’évidence y cherche Karmitz, et dans l’homme, ou la femme, l’humanité.
Il y a aussi ce qui en Karmitz lui-même répond aux photos qu’il a choisies. Il ne faut pas longtemps pour le comprendre. Le pogrome de l’enfance roumaine, la Shoah à laquelle il échappe de justesse, l’engagement révolutionnaire, l’exigence de la justice. Le mineur sombre et tout ensoleillé de sa jeunesse de Schuh, qui lui rappelle Pierre Overney, assassiné en 1972 par un vigile de chez Renault ; les Juifs studieux et disparus de la Pologne d’avant-guerre de Vishniac, comme un pressentiment du désastre ; le Gitan qui parle à son cheval de Koudelka ; les prostituées berlinoises de Petersen ; les enfants exploités de Hine…
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